En 2012 GreenSI se demandait si le bon vieux fichier, issue du traitement de données des premiers ordinateurs, n’était pas dépassé à l’heure du Mobile, du Cloud et du Collaboratif.
Cette organisation de l’information, totalement fragmentée, décentralisée et individuelle (décidée par les utilisateurs finaux) a été rapidement remplacée par des bases de données. Mais quand il s’agit de documents (pdf, xls, …) on a finalement peu évolué depuis les débuts de l’informatique et ils sont toujours dans ces fameux fichiers aux multiples formats plus ou moins propriétaires.
Les GED sont arrivées dans les années 90 pour gérer ces « documents fichiers » et permettre de les augmenter avec un plan de classification, un calendrier de conservation, des métadonnées, des visualiseurs multi-formats, etc.
Les solutions (FileNet, Documentum, Stellent…) se sont développées en reposant sur des bases de données SQL pour stocker les documents et les données associées. Très profitables, ces solutions qui visaient des clients riches, ont été rachetées rapidement par les leaders de l’industrie des années 2000 (IBM, Oracle, EMC), avec l’exception de l’éditeur canadien OpenText, qui est resté spécialisé et a repris les activités de Dell-EMC en 2016.
L’open source s’est alors développé dès 2005 pour offrir un choix non-progiciel, avec entre autres Alfresco, et surfer sur les débuts de la gestion de contenu demandée par l’internet.
Microsoft a également sorti Sharepoint (sur serveurs) pour rentrer sur ce marché alors qu’il avait un boulevard pour intégrer les fonctions de GED sur le poste de travail dans Windows et traiter les documents comme des fichiers spécifiques, notamment avec des solutions de recherche plus performantes. Ceux qui utilisent Evernote savent qu’on a pas besoin de fichiers pour gérer des contenus et des documents. Microsoft a même fait croire pendant longtemps aux grands comptes que Sharepoint pouvait aussi développer des sites Internet. Les DSI de l’époque n’ont pas été aidés pour aborder l’Internet 1.0.
Dans l’ensemble, pour GreenSI, les logiciels de GED n’ont pas su délivrer leur promesse et se sont peu adapté au digital.
Pourtant, les challenges dans la gestion de documents ne manquent pas en 2019, comme le passage à l’échelle de la dématérialisation des processus, la gestion de la croissance des volumes, les tailles qui explosent avec le multimédia, les besoins de contrôles des contenus et d’archivage légal à valeur probante qui augmentent, tout en assurant un niveau de sécurité et de confidentialité de plus en plus élevé.
Mais la GED est surtout en retard pour l’accès direct par les utilisateurs, par tous les utilisateurs, qui ont depuis été habitués à la manipulation de contenus web, multimédias, ou d’e-mails. Beaucoup d’utilisateurs attendent de pouvoir utiliser les documents ailleurs que dans un bureau, comme dans les usines. Dans le BTP les documents se fédèrent autour d’une maquette numérique partagée, et le besoin de collaboration se renforce.
Pour ceux qui ont mis en place des GED opérationnelles, le retour est qu’elles ont du mal à aborder les changements comme la protection des données personnelles (RGPD), ou la transformation des applications en plateformes ouvertes, alors qu’ils héritent d’infrastructures anciennes et couteuses à maintenir.
Pour survivre, la GED va devoir quitter son silo, se fondre dans l’architecture des plateformes et repenser ses concepts fondateurs.
Elle doit viser les To voire les Po, les métadonnées à la place de plans de classement rigides, le temps réel, l’accès par tous y compris par les clients ou les partenaires en self-service, les contenus riches (photos, vidéos…) gérés avec des cycles de vie du document intégrant les choix des tiers et pas seulement ceux de l’entreprise, etc.
Et puis elle doit coûter moins cher par document, au fur et à mesure qu’elle ne répondra plus uniquement au stockage d’une exigence contractuelle, pour laquelle on est prêt à payer un prix déraisonnable, mais à de simples besoins de collaboration entre entreprises.
La rupture principale sera de séparer les données et les documents, de s’appuyer sur des bases de données NoSQL, de s’ouvrir en API, et d’intégrer des moteurs de type sémantique, statistique et
même prédictif.
La GED doit passer d’une vision centrée sur le document et le fichier, à une vision centrée sur les métadonnées autour du document.
Ces principes vont la faire basculer d’un plan de classement statique à une classification dynamique des documents et même de pouvoir y paramétrer des règles de gestion (ex. calendrier de conservation, …) ou de sécurité.
Le leader OpenText (24% du marché), devant IBM (14%), a commencé cette transformation en multipliant les nouveaux modules, mais les tarifs élevés devant l’open source, réservent encore ce type de solutions aux grandes entreprises. Les PME adoptent l’open source, ce qui pose d’autres questions et demande une vision d’intégration.
Mais la transformation la plus difficile sera peut-être de convaincre la DSI d’abandonner l’ancien paradigme et de ne plus considérer les documents comme des fichiers. Sinon on retombe dans les deux extrêmes que sont :
- La GED unique pour toute l’entreprise qui sans surprise fait tout mais moyennement bien,
- La GED intégrée aux applications qui elle fait peu, mais aux petits oignons. Dans cet extrême, les documents de maintenance sont dans la GMAO, ceux du client dans le CRM, ceux des fournisseurs dans les Achats… créant autant de silos qui empêchent une vision unifiée des données.
Dans une vision centrée données, la GED est au cœur de la collaboration interne et avec les tiers, et doit se libérer des fichiers qui seront là où cela sera optimum entre le Edge et le Cloud, et en fonction de la « taille des tuyaux ». La DSI peut gérer ces fichiers (stockage, sauvegarde, sécurité,…), la taille des tuyaux, mais elle doit aussi permettre l’enrichissement des métadonnées, donner un accès à tous les utilisateurs, et préparer demain avec l’utilisation de l’intelligence artificielle et après-demain avec la blockchain.
La première version de Watson, l’intelligence artificielle d’IBM, qui a pu gagner les célèbres parties de Jeopardy contre des joueurs humains, a été entraînée avec le contenu du web et notamment Wikipedia. La reconnaissance des images, d’objets, de personnes, outille les principales plateformes de gestion de photos. Donc sans aucun doute, les documents multimédias ont de la valeur et permettront de développer les futures intelligences artificielles qui aideront à l’automatisation des processus de l’entreprise. Encore faut-il qu’ils ne soient pas piégés dans les applications et non structurées pour les échanges.
Et puis, l’arrivée à maturité des technologies de registres distribués (blockchain) amènera aussi une nouvelle approche. Elle sera plus distribuée et collaborative pour certains documents. Elle permettra de donner la main à un écosystème et pas à un acteur unique, pour la gestion de la traçabilité des documents, jusqu’à une garantie d’immuabilité via une empreinte unique conservée dans un block qui enrichira encore les métadonnées. Les « smart contract » vont permettre d’automatiser les transactions autour des contrats de l’entreprise qui deviennent des document dynamiques à valeur probante.
En synthèse, pour GreenSI, la GED est donc à un tournant de son évolution. Il lui faudra un peu plus que du « digital washing » pour répondre aux enjeux des données, du bigdata, de l’IA et peut-être de la blockchain. Les métadonnées du document électronique, la capacité à les enrichir en traversant les applications et à les exposer, sont des gisements de valeur pour l’entreprise dans un monde centré sur la donnée, plus que le stockage du fichier qui leur est associé.
C’est l’un des thèmes de la Digital Workplace, le fonctionnement numérique de l’entreprise, qu’il faut garder sur vos radars.
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